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CLINOGYRE ODIER ET BESSIERE F-AJSB (DEUXIEME PROTOTYPE) Echelle 1/33
En attendant que la brume se lève....
les années 30 virent le développement d'une aviation dite" de loisir", destinée à séduire un large public.
A un cout d'acquisition et d'entretien qui se voulait abordable, s'ajoutait la recherche du maximum de sécurité du vol. Ceci donna lieu au développement de formules originales. Certaines étaient particulièrement novatrices (peut être trop pour séduire), d'autres relevaient de la pure utopie. Quoiqu'il en soit, certaines des solutions proposées ont fait école et ont contribué largement à populariser ce qu'Henry Mignet désigna par la suite "le sport de l'air".
Cette action fut soutenue par le gouvernement au travers de primes, challenges et autres actions. La presse aéronautique de l'époque ne manqua pas, elle aussi, d'appuyer ce mouvement. Elle constitue aujourd'hui une inépuisable source d'inspiration pour tout ceux en quête d'appareils originaux. Rappelons que toute cette littérature est tombée dans le domaine public. Elle est accessible par le site Gallica de la Bibliothèque de France (gallica.bnf.fr)
Au travers d'une série de modèles au 1/66, j'ai essayé de faire revivre un certain nombre de ces appareils parvenus au stade de prototype.
Puis, sous la pression de certains amis maquettistes "bienveillants", j'ai décidé de revenir à l'échelle reine en matière de maquettes d'avions en papier: le 1/33.
J'ignorais, à l'époque, l'existence d'un second clinogyre jusqu'à ce que j'en découvre une photo dans l'excellent Docavia "Les Avions Caudron Renault" d'E. Mihaly et H. Robinson. Il n'en fallait pas plus donc, pour que je planche sur une version au 1/33 du clinogyre dans cette seconde livrée.
Un peu de technique
Le clinogyre peut être assimilé à une machine a mi chemin entre l'avion et l'autogyre.
Il peut s’apparenter à un biplan dont l'aile inférieure serait fixe et l'aile supérieure constituée par un rotor tournant par clinogyration, les deux systèmes portant chacun 50% du poids.
Mais qu'est ce au juste que la clinogyration?
(extrait d'un article de Jean Cousin, paru dans "Helico Revue" n°122 de février 2016).Pour saisir toute l'originalité de la formule comparons le rotor du clinogyre avec un rotor classique. Sur ce dernier, trois articulations sont nécessaire:
- une pour le battement (haut en bas) pour résoudre le problème d’asymétrie de portance des pales en vol vers l'avant
- une de trainée (avant/arrière) pour résoudre le fait que la portance de chaque pale varie d'une pale à l'autre durant la rotation induisant une résistance à l'avancement.
- une troisième pour le changement de hauteur.
Le rotor du Clinogyre utilise un arrangement unique de deux bipales superposées, tournant dans le même sens et décalées de 90°. Les pales sont capables de s'éloigner légèrement les unes des autres. La flexibilité de blocs de caoutchouc placés entre les rotors et les plaques de moyeu permettent d'effectuer ces mouvements sans avoir besoin d'articulations séparées.
Les pales du rotor ont également la particularité d'avoir une déformation négative marquée vers l'axe évoluant en positive vers les extrémités.
La partie centrale du rotor travaille en moulinet et entraine le rotor en rotation, la zone intermédiaire est en régime d' auto-rotation, quant à l'extrémité elle assure la portance grâce à son calage positif.
Un peu d'histoire
Premier prototype le F-AJSH au sol et sur le chariot d'essai. Deuxième prototype le F-AJSJ
source: Gallica.net source: https://rotorcraft.info. source: Docavia: Les avions Caudron Renault
Le clinogyre a été imaginé par l'ingénieur Gustave Bessiere associé au constructeur d'avion Antoine Odier.
Deux prototypes sont réalisés à partir de cellules de Caudron C193, monoplans à ailes surbaissées à moteur Renault 95cv. Ces deux appareils avaient participé précédemment au challenge international des avions de tourisme de 1930. Il s'agit des appareils immatriculés F-AJSH et F-AISJ. Le premier appartenait à la Société des Usines Renault et le second à René Caudron. Sur ces cellules ont été "greffés" les rotors coaxiaux. Mise à part leur livrées différentes, seule une implantation reculée du mat du rotor distinguait le F-AISH du F-AJSJ.
La formule du clinogyre a longuement été expérimentée avec le chariot électrique de l'Institut Aérodynamique de Saint Cyr. L'appareil y était fixé par l'intermédiaire d'un support à 3 degrés de liberté par rapport au chariot, et la possibilité de transmission des mesures pour être lues en temps réel au niveau du laboratoire attenant.
Le 26 mai 1932, le pilote Henri Massot a effectué, sur l’aérodrome de Guyancourt, Les premiers vols de réglages et de mise au point du F-AJSH. Au total plus de 400 atterrissages furent effectués sur des distances particulièrement réduites, de l'ordre de 45m, prouvant la justesse de la formule.
Ceci dit, si il y a amélioration certaine de la sécurité du vol, elle se fait au détriment de la vitesse (la vitesse maximum passant de 190 à 165km/h).
Suite au désintérêt manifeste du service technique pour faire accepter le clinogyre, Odier conclu l'aventure, non sans humour, par ces mots: "Il a bien fallu le laisser tomber....verticalement!"
La presse aéronautique de l'époque s'est faite l'écho des essais concernant l'aérogyre en en décrit le principe. Vous pouvez accéder aux articles originaux par le titre/lien figurant sous les vignettes. (Source Gallica).
Les Ailes juin 1932 ICI L'Aerophile juillet 1932 ICI L'Aeronautique sept.1932 ICIDifficile de mettre la main sur des plans 3 vues vraiment exploitable, malgré le fait que l'appareil de base fut un Caudron C193.
Comme souvent pour ce type d'appareil, je suis parti d'un plan 3 vues minimaliste que j'ai redessiné en fonction des photos disponibles et des caractéristiques dimensionnelles glanées de ci et de là. Pour le reste.....c'est une affaire de bon sens appuyée par les suggestions de quelques ferrus d'histoire aéronautique que je remercie au passage.
Comme souvent, il est difficile de trouver un plan exploitable.
Celui-ci est le meilleur que j'ai pu me procurer. Origine?
Faute d'information sur la couleur du sujet et fonction du ressenti à l'examen de la photo, j'ai supposé que le fuselage était marouflé puis recouvert d'une peinture alu comme c'était souvent le cas à l'époque, le dessus du fuselage et les bords d'attaque de la voilure rouge et les immatriculation et divers marquages noirs.
La maquette
Sa conception est dans la droite ligne de celle mise en oeuvre avec les modèles précédents que sont le Taupin et le Caudron C109.
Elle est pensée dans le but d'utiliser du papier photo qui offre un rendu des couleurs sans aucune mesure avec les traditionnels papier jet d'encre.
Si les collages bord à bord sont facilités du fait de son épaisseur relativement plus importante, (permettant ainsi de se passer des traditionnelles pattes de jonction), il nécessite un travail préalable de mise en forme des surfaces courbes pour éviter l'apparition de plis dans les zones de courbures particulièrement accentuées.
Le montage reste toutefois accessible à un maquettiste ayant un minimum d'expérience de cette forme de maquettisme.
Quelques étapes du montage
Le fuselage
A mon habitude, il est constitué d'une structure rigide qui reçoit le revêtement. La facilité de pose de ce dernier dépend du soin apporté à la réalisation de la structure. Un léger ponçage de la partie supérieure de la structure sera sans doute nécessaire pour un ajustement parfait de son revêtement. Les cadrans du tableau de bord peuvent reçoivent une goutte de vernis qui leur donnera la brillance nécessaire.
Noter la partie tôlée de pied de rotor et l'habillage du pourtour du poste de pilotage réimprimés pour leur donner plus de relief.
Le capot moteur et l'hélice
Le plastron du moteur est chaudronné, donc non développable. Pour réaliser un capot moteur aux formes collant au mieux à celles de l'original tout en restant d'une réalisation "abordable", j'ai fait le choix d'un assemblage dit "en l'air", c'est à dire sans structure interne. Des bandelettes de papier de soie renforcent les collages bord à bord réalisés par petites portions successives. Ceci permet de travailler un minimum les formes par l'intérieur à l'aide d'un petit embossoir destiné aux loisirs créatifs.
La réalisation de l'hélice est classique et les pales sont dotées d' une âme en corde à piano de 10/10. L'axe de l'hélice à pour unique fonction de renforcer sa liaison au fuselage. Je ne suis pas partisan des hélices "qui tournent", celle-ci prennent irrémédiablement du jeu et finissent par être collées. Autant le faire tout de suite. Et puis nos maquettes ne sont pas des jouets!
Le rotor
Âme des pales encastrée dans le moyeu Décalage de l'axe du rotor
Il était constitué de bois lamellé spruce et noyer. les pales étaient vraisemblablement vernies. J'ai songé un moment évoquer les courbes harmonieuses qui devaient délimiter ces deux essences sur les faces des pales. Du fait de l'évolution de leur incidence, négative au pied, à positive à l'extrémité, leur tracé devait être particulier. Trop compliqué à dessiner de façon plausible.....quant à la reproduction du vrillage, le papier a ses limites, quoi que....
J'ai donc opté pour une solution classique en dotant les pales d'une âme en cap 8/10. Pour des raisons de facilité de mise en œuvre, l'intrados est plat et les pales ne sont dotées d'aucun vrillage. Même à cette échelle, cela reste acceptable visuellement.
A noter l'inclinaison du mat du rotor de quelques degrés à droite (juste pour que cela se voit).
L'aile
Elle est constituée de trois parties, les demi ailes extérieures présentant un léger dièdre.
Epaisseur des cales: 1.5mm Cale de 12mm pour obtenir le dièdre
On notera le préformage du revetement et la présence provisoire de cales matérialisant l'épaisseur des flancs du fuselage venant s'encastrer ultérieurement à cet endroit.
Les différents éléments de l'aile (partie centrale et demi ailes extérieures) sont simplement collés entre eux, la "tôle" couvre joint (visible sur la photo ci-dessous) sécurisant cet assemblage.
Le train d'atterrissage
Les âmes du train sont en corde à piano. Leur jonction sera sécurisée par une goutte de colle cyano. Assemblage facile à réaliser au détriment d'une certaine solidité....mais une maquette n'est pas un jouet! Une solution plus perenne consiste à les réaliser en fil de laiton ou de cuivre soudés à l'étain....ce que j'ai fait!
Les jambes de train sont à encastrer au maximum dans l'intrados de la partie centrale de l'aile (un peu plus que ce que j'ai réalisé)
A noter l'épaisseur un peu trop importante des tôles de jonction des éléments de voilure. Il convient de délaminer sérieusement cet élément avant collage ou de la réimprimer sur du papier 80g.
Les empennages Si je fait abstraction de réaliser des gouvernes séparées concernant les ailes (en général alignées l'avion étant au sol), je donne toujours du braquage aux gouvernes de profondeur et de dérive. Cela donne un peu de vie au modèle. La profondeur peut être représentée braquée vers le bas (positionner le manche de façon cohérente). Quant à la dérive, elle sera braquée vers la gauche pour être en concordance avec la position initialement donnée au palonnier. Les gouvernes peuvent être directement collées en position ou alors solidarisées au moyen de fil de laiton en guise d'articulations.
Et pour aller plus loin....
Quelques suggestions simples d'amélioration sont proposées sur les planches. En la matière il n'y a pas de limite. On peut la pousser un peu plus loin en réalisant par exemple le tube pitot bien visible sur la photo ci-dessus, ou les câbles de frein (fil à gant) etc Autant de détails qui donneront encore plus de réalisme à votre modèle.
Les planches de la maquette
Ne pas réaliser les planches d'une maquette est comparable à un livre n'ayant pas dépassé le stade du manuscrit. Le travail effectué prend un gout d'inachevé.
La qualité de leur réalisation traduit généralement le soin apporté à la conception du modèle.
De part la nature des sujets que je traite, et fort de l'expérience acquise au fil de la cinquantaine de modèles déjà créés, les planches de mes modèles sont plus prétexte à discussion entre passionnés (ce que je recherche), qu'à susciter l’intérêt d'un large public.
Comme le Taupin ou prochainement le Caudron C109, les planches du Clinogyre seront accessibles prochainement en téléchargement.
Livre: "Souvenir d'une vieille tige " de Antoine Odier
Livre: "Les Avions Caudron" de André Hauet
Livre; "Les Avions Caudron Renault" dans la collection Docavia.
Revues d'époque: L'Aéronautique, L'Aerophile et les Ailes par l’intermédiaire du site Gallica.
Forums Espagnol "Sandglass Patrol" et Britanique "Secret Project"
Merci à F. Delasalle et J. Cousin qui m'ont tout particulièrement aidé pour la conception de ce modèle, et à tout ceux que ma démarche intéresse et qui la soutiennent.
Quelques photos de la maquette en guise de conclusion
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